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Droits de douane américains : une première désescalade

Edmund Shing, Global Chief Investment Officer, Guy Ertz, Deputy Global CIO, BNP Paribas Wealth Mannagement


Le président américain revient en arrière sur les droits de douane

Le 9 avril, Donald Trump a annoncé la suspension des droits de douane « réciproques », les plus élevés jamais enregistrés, et ce pour une période de 90 jours, en les remplaçant par un taux minimum de 10 %. Une exception notable concerne la Chine, qui fait face à une augmentation de ses tarifs, désormais à 125 %. Le Canada et le Mexique, continuent de subir des droits de douane de 25 % sur les marchandises non couvertes par l'Accord États-Unis-Mexique-Canada (AEUMC). De plus, les tarifs de 25 % sur les secteurs de l'automobile, de l'acier et de l'aluminium restent également en vigueur.

Par ailleurs, le secrétaire américain au Trésor, Scott Bessent, joue désormais un rôle crucial dans les négociations tarifaires. C’est en effet Bessent qui dirigera les négociations commerciales avec le Japon, ce qui a eu pour effet de rassurer les marchés financiers. L’implication de membres expérimentés de l'administration Trump dans la politique commerciale est perçue comme un signe positif par les investisseurs.


Mais le mal est déjà fait sur le plan économique

Les annonces récentes apportent un soulagement temporaire. En effet, les droits de douane annoncés le 2 avril, jour de la « Libération » (environ 24 %), pourraient être considérés comme un plafond pour l'avenir (à l'exception de la Chine). Le taux de 10 % mentionné précédemment par Donald Trump pourrait alors constituer le niveau plancher. Cela représente tout de même une augmentation considérable par rapport aux taux moyens précédents proches de 2,5 % avant le jour de la Libération.

Il faut garder à l’esprit que Donald Trump considère toujours ces tarifs douaniers comme une source de revenus récurrente, lui permettant de financer une réduction d'impôts qui pourrait limiter les effets négatifs sur le pouvoir d'achat des ménages à revenu faible et moyen.

Dans l'ensemble, l'impact reste négatif sur la croissance des États-Unis et à l’échelle mondiale, même si la probabilité d'une récession totale a quelque peu diminué. Une récession auto-infligée semble être un scénario que l'administration américaine souhaite toujours éviter. Cela devrait être un indicateur clé pour le seuil de tolérance et les mesures futures. Les dommages pour l'économie sont cependant déjà réels, et l'incertitude politique restera beaucoup plus élevée qu'avant janvier. Même si l'incertitude de la politique économique diminue par rapport à son pic, les pertes d'emplois et donc les demandes d’allocations chômage devraient augmenter fortement dans les semaines à venir. À moyen terme, nous nous attendons à ce que l'Union européenne annonce des mesures visant à la fois à diversifier les échanges en dehors des États-Unis et à rendre la région moins dépendante de la demande extérieure.


Réactions des marchés – focus sur le marché obligataire américain

Cette volte-face sur les droits de douane a été déclenché par les risques croissants de récession et d'inflation, ainsi que par la réaction des marchés financiers, en particulier le marché des obligations du Trésor américain. Le rendement des obligations à 10 ans a fortement augmenté ces derniers jours, atteignant jusqu'à 4,5 % après avoir baissé sous les 4 % immédiatement après le jour de la « Libération ».

Étant donné la nécessité pour le Trésor américain de refinancer jusqu'à 9 000 milliards de dollars de dette fédérale d'ici 2026, l'administration Trump est extrêmement sensible à toute hausse des taux d'intérêt à long et à court terme.


Il est trop tôt pour proclamer la fin de la correction boursière actuelle

Rappelons que trois des principaux objectifs économiques définis par le secrétaire au Trésor, Scott Bessent, pour stimuler la croissance à long terme des États-Unis étaient les suivants :

  1. baisser les prix du pétrole pour réduire les coûts pour les ménages et les entreprises ;
  2. abaisser la valeur du dollar américain pour encourager la relocalisation de la production manufacturière ;
  3. baisser les taux d’intérêt américains pour stimuler la demande de logements et l’investissement des entreprises.

Si la baisse des prix du pétrole (le baril de pétrole brut WTI avoisine les 60 dollars) et du dollar américain (le taux de change EUR/USD dépasse désormais 1,10 dollar par euro) a été atteinte, la diminution des taux d'intérêt américains reste cruciale pour réduire les coûts d'emprunt pour le gouvernement américain ainsi que pour les entreprises et les ménages.

La réaction immédiate des marchés boursiers a été un soulagement : le S&P 500 a gagné 9,5 % et l'indice japonais Nikkei 225 a repris 8,2 % entre le 9 et le 10 avril, suite à l'annonce de la suspension des droits de douane. Cela représente la troisième plus forte hausse quotidienne de l'indice S&P 500 depuis 1990. Cependant, il convient de noter que les deux meilleures séances du S&P 500 depuis 1990 se sont produites pendant la crise financière de 2008, ce qui n'est donc pas un signe concluant que la chute actuelle du marché boursier a atteint son terme.

Le S&P 500 a clôturé en baisse de plus de 11 % le 9 avril comparé à son sommet de mi-février, et nous nous attendons à ce que les entreprises américaines révisent à la baisse leurs prévisions de bénéfices lors de la prochaine saison des résultats trimestriels pour refléter l'impact des droits de douane sur la demande finale et sur les marges bénéficiaires.


Conclusion : il est trop tôt pour changer d’avis sur l’allocation d’actifs à ce stade

L'incertitude géopolitique restera élevée malgré cette suspension temporaire de certains droits de douane. Le climat d'instabilité politique actuel freinera la croissance aux États-Unis et dans le monde, car les entreprises resteront hésitantes à investir et les consommateurs seront probablement plus réticents à dépenser, préférant épargner.

Nous nous attendons à ce que la Réserve fédérale américaine réagisse à la détérioration des perspectives du marché de l'emploi dans les mois à venir en abaissant deux fois le taux des fonds fédéraux pour atteindre 4 % d'ici la fin de l'année. D'autres banques centrales, y compris la Banque centrale européenne (BCE) et la Banque populaire de Chine (PBOC), devraient suivre le mouvement.

Dans ce contexte, nous ne modifions pas nos principales opinions sur les différentes classes d’actifs. Nous restons Positif sur les obligations souveraines, Neutre sur les actions et Positif sur les métaux précieux, y compris l'or, en maintenant notre objectif de 3200 USD l'once d'ici la fin de l'année.

Nous maintenons un objectif de rendement de 4 % à trois mois pour les obligations du Trésor américain à 10 ans. En ce qui concerne les actions, nous restons Neutre sur l'Europe, Négatif sur les États-Unis et Positif sur le Royaume-Uni, le Japon et la Chine.

Les principaux indicateurs que nous surveillons et qui pourraient nous amener à modifier notre allocation sont les suivants :

  1. l'indice d'incertitude de la politique économique américaine, publié par Baker, Bloom & Davis ;
  2. le spread des obligations d'entreprises à haut rendement aux États-Unis, qui s’est élargi fortement en passant de moins de 3 % à la mi-février à 4,7 % au 9 avril.

Il est crucial que ces indicateurs diminuent régulièrement par rapport à leurs niveaux actuels élevés et que nous ayons davantage de preuves que les pertes d'emplois restent modérées. Si ces conditions sont remplies, nous pourrions alors être plus confiants dans le fait que les actifs risqués comme les actions peuvent rebondir davantage à moyen terme.