07.04.2025
#MACROECONOMIE

Focus stratégie d'investissement : avril 2025

Trump surprend à nouveau sur les droits de douane

Résumé

 

  1. Hausse massive des droits de douane américains : il s'agit de l'une des plus importantes augmentations de droits de douane dans l'histoire des États-Unis. Leur taux effectif passera probablement d'environ 2,5 % avant Trump 2.0 à 22 %. Il s'agit du niveau le plus élevé depuis 1910. Les droits de douane annoncés sont nettement plus élevés que ce que nous ou le marché avions anticipé.
  2. Risque accru d'un scénario de stagflation pour l'économie américaine. La saison des résultats du premier trimestre ainsi que les enquêtes auprès des entreprises et des consommateurs seront importantes à surveiller en raison des risques pour l'emploi et les investissements. Cela suggère une approche plus prudente de l'allocation d'actifs dans les mois à venir.
  3. L'incertitude élevée soutient la demande de bons du Trésor américain : la tendance à la baisse des rendements aux États-Unis devrait se poursuivre. Les investisseurs chercheront à se réfugier dans des actifs sûrs. Nous sommes tactiquement positifs sur les bons du Trésor américain et avons révisé notre objectif à trois mois pour le rendement à 10 ans à 4 %.
  4. Il convient d'être plus prudent sur les actions :  l'annonce tarifaire du 2 avril a des répercussions clairement négatives sur la croissance mondiale et pourrait même entraîner un risque de stagflation pour l'économie américaine Nous ramenons notre opinion sur les actions de "Surpondérer" à "Neutre".
  5. Pression sur les bénéfices des entreprises américaines : les effets des annonces tarifaires devraient avoir des impacts négatifs sur la consommation tout en augmentant les coûts des intrants des entreprises, ce qui mettra sous pression les marges bénéficiaires. Nous ramenons notre opinion sur le marché d’actions américaines de “Neutre" à “Sous-pondéré".

 

L'impact des nouveaux droits de douane

 

Les nouvelles mesures

Notre scénario jusqu’à présent incorporait des droits de douane américains plus élevés sur le Canada, le Mexique et l'UE (+12,5 pp diminuant progressivement) ainsi qu'une augmentation permanente de 30 pp du taux effectif des droits de douane sur la Chine (comprenant les 20 pp déjà mis en place, et 10 pp à venir plus tard cette année). Nous nous attendions par ailleurs à une augmentation de 4,5 pp du taux effectif moyen pondéré des droits de douane sur le reste du monde.

Ce scénario, plutôt optimiste, se reflétait également dans les prix des actifs, car aucune prime de risque significative n’avait été observée.

L'annonce de Donald Trump a apporté des changements majeurs. Elle représente l'une des plus grandes augmentations tarifaires de l'histoire des États-Unis. Le taux tarifaire effectif passera probablement d'environ 2,5 % avant la présidence Trump à 22 % actuellement, soit le niveau le plus élevé depuis environ 1910. Les droits de douane annoncés sont nettement plus élevés que ce que nous, ainsi que le marché, avions anticipé.

L'impact économique des droits de douane, des représailles et de l’incertitude douanière

L'augmentation des droits de douane a une incidence sur la croissance économique et sur l'inflation pour plusieurs raisons :

  1. L'augmentation des prix des produits importés vendus aux États-Unis entraîne une augmentation des prix à la production et à la consommation.
  2. Une baisse du pouvoir d'achat réduit les dépenses des consommateurs.
  3. En cas de représailles, des droits de douane plus élevés sur les exportations américaines nuiraient à l'activité économique américaine.
  4. L'incertitude persistante entourant les droits de douane (délais de mise en œuvre et nouveaux changements possibles) pèse sur le sentiment des consommateurs et des entreprises.

Nous observons aujourd'hui un risque accru d'un scénario de stagflation (croissance faible et inflation élevée) pour l'économie américaine. La prochaine saison des résultats du premier trimestre ainsi que les enquêtes auprès des entreprises et des consommateurs seront clefs pour mesurer les risques pour l'emploi et les investissements. Il est même possible que les droits de douane augmentent encore dans le cas de représailles initiées par d’autres pays. L'incertitude liée aux politiques tarifaires devrait donc rester très élevée dans un avenir proche.

Changements dans notre stratégie d'investissement

Les nombreuses incertitudes et les annonces d'aujourd'hui conduisent à une approche plus prudente de l'allocation d'actifs dans les mois à venir. Notre hypothèse fondamentale, à savoir une utilisation des droits de douane principalement comme outil de négociation, est aujourd'hui beaucoup moins probable. L'administration Trump semble déterminée à maintenir les droits de douane élevés pendant une longue période et les considère véritablement comme une source récurrente de revenus gouvernementaux et un moyen de forcer le rapatriement des chaînes d'approvisionnement. Nous pensons que cela aura un impact négatif sur la croissance mondiale pendant au moins les prochains mois. Les annonces douanières ont également un effet négatif sur l'inflation américaine. Nous avions initialement prévu un pic plus tard dans l’année, mais cela semble maintenant beaucoup moins probable.

Nous prévoyons que la croissance économique dans la zone euro suivra une courbe en forme de J. En effet, les effets négatifs de la hausse des droits de douane et des incertitudes qui subsistent ne seront pas compensés par les effets positifs des vastes programmes de dépenses d'infrastructure et de défense récemment annoncés.

Les choses vont donc probablement empirer avant de s’améliorer, tant en termes de sentiment que de croissance économique. L'effet net de la hausse des droits de douane sur les anticipations d'inflation dans la zone euro devrait être négatif, au moins dans les prochains mois. Nous avons déjà envisagé une accélération modérée de l'inflation au cours des prochaines années en raison de la relance économique. L'impact négatif des droits de douane plus élevés compenserait largement cet effet, au moins dans les prochains mois (nous ne prévoyons pas de représailles majeures de la part de l'Europe).

Taux, obligations et dollar américain - Nous ne modifions pas nos perspectives pour la Fed et prévoyons toujours deux baisses de taux, avec un taux terminal à 4 %. Les pressions inflationnistes vont augmenter, mais elles devraient être temporaires. Les risques liés à une chute plus forte que prévu de la croissance économique devraient convaincre la banque centrale américaine de continuer à baisser ses taux malgré une inflation qui reste supérieure à 2 %. La BCE devrait encore baisser ses taux deux fois, ramenant le taux de dépôt à 2 %.

À court terme, l'incertitude demeure élevée et la tendance à la baisse des rendements aux États-Unis devrait persister. Les investisseurs vont se tourner vers des actifs refuges.

Dans ce contexte, nous devenons tactiquement positifs à l'égard des bons du Trésor américain et avons révisé notre objectif de rendement à 10 ans à 3 mois à 4 %.

Nous ne voyons pas raison de modifier nos perspectives pour les rendements des emprunts d'État à 10 ans. Notre prévision à 12 mois reste de 4,25 % aux États-Unis et de 2,50 % en Allemagne. Nous maintenons notre opinion positive sur les emprunts d'État des pays cœur de la zone euro et les obligations d'entreprises de haute qualité de la zone euro.

Nous voyons deux raisons pour un rebond du dollar américain après la récente faiblesse : (1) La hausse de l'inflation aux États-Unis due à l'augmentation des tarifs douaniers conduira probablement à une baisse des anticipations concernant les réductions de taux aux États-Unis, tandis que les attentes d'une évolution de la courbe en J pour la zone euro pourraient mener à des nouvelles baisses de taux et (2) l'incertitude persistante et l’aversion au risque ont historiquement soutenu le dollar américain. Nous nous attendons à ce que l'EURUSD retombe à 1,05 et oscille autour de ce niveau dans un horizon de 12 mois.

Actions - Comme mentionné, le résultat des annonces tarifaires est clairement négatif pour la croissance à l'échelle mondiale et comporte même des éléments stagflationnistes pour l'économie américaine.

Par conséquent, nous révisons notre opinion positive de longue date sur les actions et réduisons notre vue globale de "Surpondérer" à "Neutre".

De plus, nous ramenons notre opinion sur le marché d'actions américain de « Neutre » à « Sous-pondérer ». Les effets des annonces tarifaires devraient avoir des répercussions négatives sur la consommation tout en faisant augmenter les coûts des intrants des entreprises. Ainsi, les bénéfices peuvent faire face à cette double pression, ce qui ne semble pas encore se refléter dans les estimations des analystes.

Le niveau toujours élevé de concentration dans les méga-caps américaines est un autre sujet de préoccupation. Les valorisations sont encore bien au-dessus des points de retournement historiques et les entreprises pourraient faire face à des pressions réglementaires aux États-Unis tout en constituant une cible évidente pour les mesures de rétorsion européennes. Nous maintenons notre préférence pour le S&P équipondéré aux États-Unis. En dehors des Etats-Unis, nous conservons nos préférences régionales, mais nous conseillons de revoir l'exposition élevée au commerce mondial et à la sensibilité aux tarifs douaniers américains.

Plus les incertitudes commerciales persistent et plus les droits de douane élevés sont maintenus, plus les conséquences globales seront négatives. Nous devons surveiller de près les probabilités de récession, et nos indicateurs préférés sont les demandes initiales d'indemnisation du chômage sur le plan macroéconomique et les spreads des obligations américaines à haut rendement (via les swaps de défaut de crédit) sur le plan du marché. En cas de changements majeurs, une nouvelle révision de l'allocation globale en actions pourrait s'avérer appropriée.

 

Revue des marchés financiers du 1er trimestre 2025

 

Marchés boursiers : la revanche du monde ex-US

La rotation des actions américaines vers les actions du monde hors États-Unis s'est poursuivie en mars, les actions de la zone euro enregistrant une performance de +10 % sur le trimestre, tandis que l'indice S&P 500 affichait une perte de 3% dans le même temps en raison de son exposition aux méga-capitalisations technologiques (-12% pour les 7 Magnifiques au 1er trimestre). L'indice S&P 500 équipondéré s'est mieux comporté en raison de son absence d'exposition à la technologie, avec une performance globalement stable au 1er trimestre.

Les banques de la zone euro confirment leur position de leader avec une performance de 30% au 1er trimestre, tandis que les assureurs européens ont également impressionné avec +17 %. La Pologne a réalisé la meilleure performance parmi les pays européens avec +31 % en euros au cours du trimestre, alors que les espoirs d'un cessez-le-feu potentiel en Ukraine se sont accrus.

L’euphorie autour de la technologie chinoise continue, avec l'indice Hang Seng Technology (+25 % au 1er trimestre) entraînant un gain trimestriel de 20 % pour l'indice Hong Kong China Enterprises. Dans l'ensemble, l'indice MSCI Emerging Markets a enregistré un gain de 6 % en dollars américains par rapport au début de 2025.

Des obligations moroses après la réinitialisation des rendements allemands

Les répercussions de l'annonce du plan de relance allemand et de sa ratification par le Parlement ont eu un impact négatif sur les obligations souveraines et les obligations d'entreprises de la zone euro en mars. Le rendement du Bund allemand de référence à 10 ans a bondi de 0,3 % pour atteindre 2,7 %. Globalement, les obligations d'entreprises européennes sont restées stables, tandis que les obligations souveraines ont enregistré un rendement de -1 % depuis le début de l'année. Seuls le crédit High Yield en euros (+1 %) et les obligations souveraines des marchés émergents (+2 % en dollars américains) ont affiché des rendements positifs jusqu'à présent en 2025.

L'or, l'argent et le cuivre en hausse constante

Les classes d’actifs les plus performantes au premier trimestre 2025 ont indéniablement été l'or, l'argent et le cuivre. L'or et l'argent ont poursuivi leur longue course haussière, l'or atteignant un nouveau record historique (3073 USD/once au 28 mars) et générant un rendement de 17 % en dollars pour le premier trimestre, tandis que l'argent a enregistré un rendement de 21 %.

Le cuivre coté aux États-Unis (sur le COMEX) a été encore plus impressionnant avec +27 % sur le trimestre, poussé par la constitution de stocks américains en prévision de nouveaux tarifs sur les importations de cuivre, ce qui a entraîné une prime de près de 15 % du prix du cuivre américain par rapport à son équivalent londonien.

Les fonds de matières premières diversifiés ont également enregistré de bonnes performances – l'indice BNP Paribas Energy & Metals Enhanced Roll a livré un rendement de près de 10 % au premier trimestre en euros, même en tenant compte de l’impact de la faiblesse du dollar.

Amélioration constante de l'immobilier commercial

Le marché de l'immobilier commercial poursuit une reprise lente et régulière après la réinitialisation des valorisations déclenchée par la hausse des taux d'intérêt à long terme de 2022-23. Selon l'association européenne des fonds immobiliers INREV, les fonds immobiliers européens non cotés ont enregistré un rendement total de +3% au cours de l'année civile 2024, avec un rendement de 1,2% sur le seul quatrième trimestre 2024, stimulé par une stabilisation des valeurs liquidatives et une hausse des rendements locatifs. Les fonds axés sur le secteur résidentiel ont enregistré les meilleures performances, avec un rendement de +2,3 % au quatrième trimestre.

 

Revue des risques : ce qu'il faut surveiller

 

Le spread des obligations à haut rendement américaines signale un risque croissant

L'un de nos indicateurs de risque préférés sur les marchés financiers, le spread de crédit High Yield américain, s'est élargi de plus de 0,8 % pour atteindre 3,4 % depuis la mi-février. Il y a deux façons d’appréhender voir cet élargissement du spread.

L'interprétation pessimiste soulignerait que ce spread est maintenant à son plus haut niveau depuis la mi-2024, ce qui indique un risque financier accru. Cela correspond à l'indice d'incertitude de la politique économique américaine, qui a atteint son plus haut niveau depuis 2020.

Mais pas si élevé au regard de l'histoire

Une interprétation optimiste pourrait soutenir que même à 3,4 %, le spread reste très bas par rapport aux normes historiques. En effet, au cours des 25 dernières années, le spread de crédit s’est établi en moyenne à 5 %. Pendant les périodes de stress économique réel, comme à la mi-2022, le spread de crédit High Yield américain a souvent dépassé 5 %. Selon ces normes, le spread actuel n'est pas du tout extrême, mais reste bien en dessous de la moyenne à long terme.

D'autres mesures de stress financier, comme l'indice de risque macroéconomique de Citi, ont également augmenté depuis février, mais restent bien en deçà des niveaux que nous considérerions comme alarmants.

Lorsque nous examinons notre radar composite de risque, composé de 9 indicateurs différents des marchés financiers et économiques, nous ne voyons pas à ce stade une combinaison inquiétante de signaux d'alerte. Nous surveillerons ces indicateurs de près à l'avenir, mais nous ne signalons pas encore la nécessité de réduire l'exposition aux actifs risqués tels que les actions et les obligations d'entreprise.

Le moral des consommateurs américains est préoccupant...

Les résultats de l'enquête sur le sentiment des consommateurs de l'Université du Michigan pour le mois de mars sont préoccupants. Ils atteignent un niveau aussi bas que celui observé lors de la crise financière de 2008 et après le début de la guerre en Ukraine en 2022. Cela reflète le pessimisme de la majorité des ménages américains, qui craignent que l'avalanche de droits de douane n'entraîne une hausse des prix et une érosion du pouvoir d'achat intérieur.

...mais non confirmé par d'autres mesures économiques américaines

En revanche, les mesures composites de la dynamique économique américaine, telles que l'indice Citi US Economic Surprise, ne sont pas du tout en territoire de récession. Elles indiquent au pire un ralentissement modéré de la croissance du PIB américain, se situant dans une fourchette de 1 % à 2 %. Le dernier PMI composite américain (qui combine les chiffres de l’industrie manufacturière et des services) calculé par S&P Global, se trouve en territoire d'expansion sain à 53,5, bien au-dessus du niveau d'équilibre de 50.

Il est crucial de distinguer entre les données « soft » provenant des enquêtes et les données économiques « dures » qui mesurent l'activité économique réelle, telles que les ventes au détail. En cas de doute, il est toujours préférable de se fier aux données concrètes plutôt qu'aux lectures des enquêtes. Dans ce cas, les ventes au détail américaines de mars, hors essence, continuent de croître à un rythme sain de +3,1 % en glissement annuel, ne signalant aucun ralentissement inquiétant de la consommation intérieure. Il est évident que si le sentiment des consommateurs reste aussi déprimé pendant une période prolongée, cela pourrait bien se traduire par un ralentissement de l'activité économique. Mais ce n'est pas encore le cas.

 

Un changement de régime aux États-Unis et dans le monde ?

 

Prendre Trump au mot

Les investisseurs, en particulier ceux en Europe, devraient prêter attention à ce que disent les partisans de Trump lorsqu'on leur demande pourquoi ils apprécient le président :

"Il dit les choses telles qu'elles sont et dit ce qu'il pense".

Aussi inconfortable que cela puisse être pour un investisseur mondial, il s'agit peut-être d'un mantra approprié à retenir lorsque l'on tente de décoder les dernières actions du président sur le front géopolitique.

Ainsi, lorsque Trump parle de prendre le contrôle du Groenland et du canal de Panama, et d'annexer le Canada, il est probable qu'il pense ce qu'il dit. Bien sûr, cela ne signifie pas qu'il obtiendra ce qu'il veut. Mais je pense que les investisseurs devraient croire le président Trump sur parole, plutôt que d'essayer de trouver des raisons plus profondes derrière ses déclarations quotidiennes.

Pourquoi Trump se concentre-t-il autant sur les droits de douane ?

La vérité brutale est qu'en 2023, les États-Unis ont maintenu un niveau de tarifs douaniers sur les importations globales inférieur à celui de pratiquement tous les autres pays du G20. De plus, l'emploi dans le secteur manufacturier américain a diminué depuis 2001 (lorsque la Chine a rejoint l'Organisation mondiale du commerce) passant de 17,3 millions à 12,8 millions aujourd'hui, tandis que la production industrielle totale des États-Unis n'a pas augmenté depuis 2014. Avec le déficit du compte courant américain (valeur des biens et services importés moins ceux exportés) passant de zéro en 1991 à 4,2 % du PIB au troisième trimestre 2024, le président Trump estime que d'autres nations exportatrices, comme la Chine, ont "profité" de la demande américaine ces dernières années. Il souhaite donc rééquilibrer cette balance commerciale en utilisant les tarifs douaniers comme principale arme.

Une remise en cause de l'exceptionnalisme américain

Si nous examinons les raisons fondamentales de l'exceptionnalisme américain, nous pouvons relever plusieurs faits importants :

  1. Les États-Unis sont la plus grande économie du monde, avec des industries dominantes dans les domaines de la technologie/Internet, de la consommation, des soins de santé et de l'énergie.
  2. Ils possèdent la monnaie de réserve mondiale de facto le dollar américain, ce qui leur permet de bénéficier d'un taux d'intérêt plus faible sur la dette du Trésor, car les banques centrales détiennent la majorité de leurs réserves de devises étrangères en dollars américains.
  3. Les États-Unis possèdent une puissance militaire inégalée, surpassant largement les dépenses de tous les autres pays. En 2024, avec près de 1 000 milliards de dollars de dépenses, les États-Unis ont investi 6,6 fois plus que la Russie et 3 fois plus que la Chine dans le domaine de la défense.
  4. Ils disposent également d'un "soft power" dominant grâce à leurs marques mondiales de produits de consommation et de technologie, à leurs exportations culturelles (films, musique) et à l'aide qu'ils apportent à l'étranger.

Pour être clair, Donald Trump ne va pas éliminer tous ces avantages du jour au lendemain. Cependant, il est pertinent de se demander si les États-Unis ont atteint leur apogée en termes d'exceptionnalisme. Ce sentiment a  permis au marché boursier américain et au dollar de réaliser de solides performances au cours des dernières années, culminant avec des valorisations tendues.

Concernant la contribution militaire à l'OTAN, Trump a déjà été explicite en obligeant les membres européens de l'OTAN à augmenter leurs dépenses de défense au-delà de 2 % du PIB, ce qui affaiblit ainsi la puissance militaire des États-Unis.

 

Arguments en faveur d'un rééquilibrage mondial

 

Trump veut des taux d'intérêt plus bas et un dollar plus faible

Le président Trump et le secrétaire au Trésor Scott Bessent ont exprimé leur souhait de voir les taux d'intérêt baisser, de réduire le coût du financement de la dette fédérale américaine en constante augmentation et de diminuer le coût des emprunts pour le secteur privé, favorisant ainsi l'investissement et la croissance.

Ils ont déjà obtenu quelques succès préliminaires dans cette démarche, avec le rendement des obligations du Trésor américain à 10 ans passant de 4,8 % à la mi-janvier à 4 % actuellement. Cependant, pour encourager une baisse supplémentaire des coûts de financement, la Réserve fédérale devrait réduire le taux des fonds fédéraux, actuellement dans la fourchette de 4,25-4,50 %. Selon nous, cela devrait se produire avec deux réductions prévues au second semestre 2025, dans un contexte de ralentissement de la croissance économique.

Le président Trump a également exprimé sa préférence pour un dollar américain plus faible, ce qui aiderait à rééquilibrer le commerce américain et à encourager la relocalisation de la production manufacturière aux États-Unis, l'un des objectifs clés de Trump. Depuis la mi-2011, l'indice du dollar américain a augmenté de 39 %, représentant un obstacle croissant pour les exportations américaines et rendant les importations de biens en provenance de partenaires commerciaux à faible coût, tels que la Chine, le Vietnam et le Mexique, moins chères.

À la fin février, la valeur de l'indice du dollar réel pondéré par les échanges de la Réserve fédérale était 20 % au-dessus de sa moyenne sur 25 ans. La seule fois où cet indice du dollar a été plus élevé qu'aujourd'hui remonte à 1985, juste avant la signature des accords du Plaza visant à déprécier le dollar américain (ce qui a finalement été fait de 33 % jusqu'en 1992) par rapport aux autres grandes devises.

Les flux d'investissement ont soutenu un dollar plus fort

En plus des arguments fondamentaux habituels concernant l'inflation, la croissance ou les différentiels de taux d'intérêt entre les États-Unis et la zone euro pour déterminer la direction du taux de change EUR/USD, il est important de considérer l'influence substantielle des flux d'investissement de l'Europe vers les États-Unis.

Depuis le début de 2021, 1,3 trillion de dollars de capital brut ont été transférés par des investisseurs européens vers des actions américaines, selon Bloomberg. Ces investisseurs détiennent désormais plus de 8 trillions de dollars en actions américaines, en particulier dans les actions technologiques de grande capitalisation. Cela implique une vente constante d'euros pour acheter des dollars américains, renforçant ainsi le billet vert au détriment de l'euro. Alors que les « 7 Magnifiques » ont continué à surperformer le marché boursier américain par rapport au reste du monde, cette dynamique a encouragé encore plus de flux de capitaux de l'Europe vers les États-Unis, renforçant ainsi le dollar américain par rapport à l'euro.

Cette dynamique réflexive peut continuer jusqu'à ce que les actions technologiques de grande capitalisation cessent de surperformer, ce qui pourrait déjà être le cas. Depuis le début de 2025, le Nasdaq 100 a perdu 17 % et les « 7 Magnifiques » 24 % en termes d'euros, tandis qu'en revanche, le MSCI World ex-US a gagné 2 % sur la même période, avec un rendement de 9 % pour l'indice Euro STOXX 50. Étant donné les achats massifs d'actions américaines par les investisseurs institutionnels européens au cours des quatre dernières années, toute inversion de cette tendance pourrait ne faire que commencer et pourrait encore durer longtemps. La banque d'investissement UBS a récemment averti que « l'affaiblissement de l'exceptionnalisme américain » pourrait mettre en danger 14 trillions de dollars d'actifs américains non couverts détenus par des investisseurs non américains.

 

Edmund Shing, PhD

Global Chief Investment Officer